Those bouteilles qui servent à nothing

2 mois de confinement, 2 mois à travailler, à réfléchir et surtout 2 mois à éplucher les réseaux sociaux, tel un marin sur son Apple de rafiot guidé par les vagues de l'ennui. De cette sinistre traversée une conclusion a été tirée: Il y a chaque jour de nouveaux spiritueux, de nouveaux tonics, de nouvelles bières... Est-ce une bonne chose ? Dans un monde qui sur-consomme et qui vit à crédit de ce que la planète veut bien lui prêter, a t-on réellement besoin de ce nouveau rhum issu d'une micro distillerie et qui ressemble à du Don papa ? A t-on réellement de la place pour cette bière à l'étiquette minimaliste provenant d'une mini-brasserie et qui titre à 8.7° ? Est ce que ce Gin d'une maison indépendante qui est un énième "botanical spirit" manquait vraiment aux paysage des vins et spiritueux ? Brice Hortefeux le disait à injuste titre pour les arabes mais à juste titre pour les spiritueux "Quand y en a un ça va, c'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes".

beyonce
Créer trois Destiny's child pour au final n'en garder qu'une... J'appelle ça du gâchis !

VERTIGE DE LA MOULTE

Au delà de la simple question du nombre de spiritueux, bières, et autres bouteilles, se posent la question plus générale de notre rapport à l'environnement et plus spécifiquement à sa préservation. Si retirer les pailles des cocktails est un premier bon pas, ça reste une action à échelle individuelle et dont l'impact positif revient à jeter un gros verre d'eau sur un feu de foret. Voir que mon bar de quartier a retiré les pailles de son cocktail a base d'une eau de vie dont le pays producteur ne légifère pas sur le traitement des déchets liquides lors de la distillation, est une hypocrisie totale. Dans une industrie qui produit des services mais aussi des biens, il faut donc se poser la question de la conscience environnementale des acteurs de ces deux domaines.

trump
Moi quand on veut me faire liker la page d'un énième Gin
J'ai travaillé pour 3 grosses maisons de spiritueux: Chivas, Diplomatico, Cointreau. 3 acteurs de poids dans l'industrie et 3 marques qui sont du côté des leaders de tendances, plus que des suiveurs. Il se trouve que chacune de ses marques a une conscience environnementale et un cahiers des charges à ce sujet très poussé. Pour vous donner deux exemples concrets: Diplomatico a le système de traitement de la "tête" d'alambic le plus performant, à tel point, que les déchets alcooleux finissent par devenir une eau extrêmement riche en minéraux et c'est cette eau qui vient irriguer les champs de canne à sucre. Chez Cointreau rien ne se perd, tout se transforme au point que les écorces d'oranges qui sont distillées sont ensuite transformées en compost et données aux agriculteurs de la régions et que 80% du verre des bouteilles est du verre recyclé. 

Pour pas gaspiller on a aussi recyclé Julien Lepers en Michael Keaton

Néanmoins force est de constater qu'avoir une conscience écologique a un coût. Ces maisons peuvent se permettre de faire le maximum pour produire de façon eco-consciente parce qu'elles veulent et peuvent financer des projets allant dans ce sens. Mais quand on démarre avec une production à 2000 bouteilles par an dans une petite distillerie et que tout le capital de base a été investi dans la machinerie d'occasion et de la main d'oeuvre, a t-on réellement les moyens d'avoir une conscience écologique ? 

the office
Quand t'as investi tout ton fric dans ta première distillerie et que tu te rends compte qu'il faut racheter des post-it

Alors oui c'est parfois possible, quand on voit "Domaine des hautes glaces" qui a très certainement la méthode de production la plus éco-consciente du monde ou Matt Pokora qui a fonctionné uniquement à l'électricité pour son album de recyclage de Claude François. Néanmoins je me pose la question de l'impact écologique d'un producteur de rhum banane qui va se poser à Lille et qui fait venir ses fruits d'un endroit si inconnu et si lointain que les Balkany en ont déjà fait un paradis fiscal depuis des années. 

"Vous croyez que c'est agréable de payer 8 euro d'impots par mois ? Moi j'en ai jusque là de ce rapt perpétuel de la part de l'état !"

MAINTENANT QUE C'EST LÀ IL FAUT QUE CE SOIT BON 

Au delà même de l'impact écologique, est ce que toutes les nouveautés méritent d'entrer dans le cercle des vins, bières et spiritueux ? Alors bien sur, on va me dire que cette question est subjective et que rien dans notre monde ne fait l'unanimité. Pourtant une simple photo de la coiffure de Nicolas Sirkis suffit à tous nous mettre d'accord sur ce qui n'est pas tolérable ici bas. 
Mais je le conçois, il est difficile pour un producteur de faire son autocritique parce que tout produit, aussi insignifiant soit-il implique du travail, de l'abnégation et un investissement. Ce nouveau Gin est peut être un London dry parmi d'autres, mais pour son créateur c'est l'incarnation de l'investissement Temps/Argent/Energie. Et c'est ça qui donne à ses yeux toute sa valeur, quitte à ne pas se rendre compte de son erreur. Pourtant, si c'en est une, l'échec se manifestera bien à un moment, généralement incarné par l'accueil morne et triste des consommateurs. Le meilleur exemple futur est sans aucun doute les dizaines de "Spirit-free drinks" qui verront le jour dans les 3 années à venir ou encore la chaine payante Telefoot à 25euro/mois pour alterner entre l'OM et Toulouse la saison prochaine. 


Payet
N'oubliez pas de faire un don à Dimitri Payet qui a du mal à joindre les deux buts.

Non seulement nous produisons trop, et c'est un fait, mais à mon humble avis nous produisons trop de produits similaires. Quand je me balade chez un caviste et que je vois une étagère avec une vingtaine de références de vodka dont au moins 10 sont issues de la betterave. Je me demande, mis à part le packaging, quelle est la différence fondamentale entre ces produits ? Gustativement, ces 10 vodkas, ont une différence si délicatement subtile qu'il nous serait impossible de les distinguer. Seule la bouteille et le logo changent.  Un même contenu pour un autre contenant... On nous a déjà fait le coup en changeant le logo de la droite par le logo "En marche" on se fera pas avoir deux fois. 


spiderman
Les mecs de droite et de "En marche" quand il se croisent à la cafet'

LFC LE GAUCHO !




Alors on va me dire, "oui mais tu veux une économie monoproduit espèce de marxiste de mes deux?" Evidemment que non ! Parce que déjà qui dit monopole dit prix exorbitants, car c'est bien la concurrence qui va permettre aux tarifs des produits de trouver leurs places et leurs justes valeurs dans la société et les rayons. Et vous allez continuer de me dire: "Et puis sous pretexte que Vincent Delerm et Benjamin Biolay ont tous les deux le goût de Carla Bruni, on devrait en éliminer deux sur trois ?" Là par contre ma réponse est "oui".

Je ne veux pas un régime autoritaire où une entité toute puissante détermine ce qui mérite d'intégrer notre économie ou pas, par contre j'estime que nous avons suffisamment de produits dans chaque catégorie pour se poser la question de la pertinence d'un nouvel entrant. Chaque nouveau produit, chaque nouveau spiritueux vient impacter la planète de son empreinte et de son emprunt. Je le disais en introduction nous vivons déjà à crédit, si notre dette doit encore s'agrandir il faut que le jeu en vaille vraiment la chandelle. Et puis quand nous aurons tout produit et tout acquis, il sera trop tard pour se dire que la vie était plus belle quand nous en rêvions.





lefrenchcocktail



2 commentaires:

  1. Comme d'hab' une plume au top.
    En revanche, l'écorce d'orange en compost normalement ça détruit l'équilibre de ton compost comme tous les agrumes, donc est ce que le fait qu'elles soient passées dans l'alambic neutralise cet effet ? (juste pour être sûr que c'est pas encore du greenwashing..)
    Absolument d'accord quant au fait qu'on a bcp trop de produits similaires sur le marché aujourd'hui, le métier dans sa globalité doit se tourner vers la décroissance s'il ne veut pas être un accélérateur de destruction...
    ha et....Stop les pailles mais bonjour les masques/gants/visières plastiques et autres single use qui font leur très grand retour !
    L'après peut être mieux mais il en va de chacun et des choix que l'on fait au quotidien.

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    1. Hello Bruno, merci pour ces mots très encourageants ça me touche beaucoup. Effectivement le passage dans l'alambic a un impact sur les écorces et leurs comportements ensuite dans un compost, plus encore que le simple fait d'être distillées c'est le fait de chauffer au dessus de 80° pendant plusieurs heures qui transforme les propriétés des écorces.
      J'en profite pour te remercier de soulever la question des masques et gants puisque ces derniers ont d'ores et déjà pris la place des pailles dans l'océan et j'avais oublié de le mentionner !
      Se détourner de la croissance pour pour se tourner vers la planète c'est justement tout le message d'Aurélien Barrau, ce qui signifie qu'Aurelien, Bruno et Kevin ont un point commun et ça n'est pas sans fierté que je l'affirme haha

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