Bartending
The alcohol but sans alcool
N'en déplaise à Alain Ducasse j'ai décidé de faire Dry January. Ne voyant aucune raison pour laquelle mon foie au mois de janvier n'aurait pas les mêmes égards que mon esprit au mois d'Aout. Trente jours sans une goutte d'alcool c'est le projet qui a été proposé par la santé publique au gouvernement avant que le lobby du vin ne le tue dans l'oeuf. Une fois n'est pas coutume j'ai dit merde au vin et oui à la santé et j'ai relevé le défi ! Après 2 semaines j'étais devenu incollable sur les différences entre l'Evian et la Volvic; je décidai alors d'explorer une autre contrée du monde sans alcool: les Non-alcoholic beverage. Biscuit sans gluten, coca sans sucre, steak sans viande et maintenant alcool sans alcool, bienvenue dans un monde où tout est aussi trompeur que le genre d'Amanda Lear.
L'alcool c'est de l'eau
Seedlip, Amplify, Ceder's, Memento, Djiin, Sea Arch... sans oublier notre père à tous Mister cocktail. Comme le menton des Bogdanov la liste des spirit-free drink s'allonge chaque jour un peu plus. Une famille grandissante de sans alcool avec la promesse suivante:
Le savoir faire de l'alcool sans les effets de l'alcool
Et pour ne pas trop bousculer le conso dans ses habitudes, les producteurs ont eu la délicatesse de vendre leur eau au prix de l'alcool. Les points communs avec les spiritueux continuent puisque comme dans l'industrie des spi, tout est "clean" tout est "craft" mais tout n'est pas transparent.
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Quand ils te disent "bah c'est de l'alcool sans alcool" |
-C'est de l'eau distillée
-Donc vous vendez de l'eau aromatisée 33 euros les 700ml ?
-Nan parce que en fait c'est pas vraiment de l'eau, c'est une base de gin, mais on enlève l'alcool
-Donc c'est un Gin sans alcool ?
-Presque mais pas vraiment c'est pour ça qu'on a pas le droit d'écrire le mot Gin parce que c'est pas réellement du Gin quoi...
-Donc c'est de l'eau avec des botaniques ?
-Oui mais de l'eau extra pure des sources de Suède avec des botaniques infusés
-Aaaaaah, c'est du thé !
Sur les sites, une information très opaque. On lit une vague histoire mettant en scène botaniques, distillation et savoir faire. Le lexique est riche et anglophone, les processus de fabrication sont évoqués mais jamais expliqués.
La réalité c'est que les non-alcoholic beverages sont au bar ce que les non-genrés sont à la société, une catégorie qui refuse de se définir à travers le logos déjà admis.
La réalité c'est que les non-alcoholic beverages sont au bar ce que les non-genrés sont à la société, une catégorie qui refuse de se définir à travers le logos déjà admis.
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Amanda Lear c'est un mec comme ça 👍 |
C'est bon ?
Une question très subjective évidemment. Il faut être honnête, à l'image des spi il y a de tout. Parfois c'est bon, intéressant à travailler même, parfois c'est sans intérêt. Mais la vérité c'est que quasiment aucun de ces produits ne vaut le prix auquel il est vendu. Au final le jus, si l'on en croit ce qui est raconté sur les sites des producteurs, c'est: de l'eau, des botaniques et parfois un peu de sucre (mais chut, comme dans les spi il faut pas le dire)
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Est ce qu'il y a des arômes de synthèse ? |
Qu'on se le dise, les prix de ces bouteilles sont pas aussi minimalistes que le liquide qui les compose. On parle d'une trentaine d'euro pour 70cl de flotte. A mon sens c'est un type de drink que l'on pourrait faire maison avec une petite semaine de brainstorm au sein de la communauté. On produirait local, avec une empreinte carbone quasiment nulle et pour bien moins cher que 30euro les 700ml. Notre connaissance, la planète et nos coeff s'en verraient grandis.
D'aucuns diraient que si l'on est assez con pour payer 30 euros 70cl de flotte, peut être que l'on mérite de payer 30 euros les 70cl de flotte...
J'employais plus haut le terme Logos, et bien loin d'être un coup de frime éthymologique c'est un vrai regard sur cette catégorie de drink: les Non-alcoholic beverage et autre Spirit-free drink. Deux termes qui signifient boisson sans alcool. Instinctivement si je pense à spirit-free drink je pense aussi à: l'eau, les soda, les jus, les tonics, les limonades, les infusions, les thés etc... Cette catégorie existait bien avant que Seedlip et Ceder's se décident à nous vendre des liquides à 95% de marge.
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On a la clientèle qu'on mérite |
On a pas le même maillot mais on a la même passion
Malheureusement c'est la passion de la tune qui est concernée ici.
J'encourage véritablement le risque entrepreunarial, et je me doute que, même dans une production de "spirit free" drink il y a un engagement financier, peut-être (certainement) même une sincère volonté de proposer quelque chose d'innovant. Bien sur que c'est innovant, bien sur qu'il y a du travail derrière, et je veux bien reconnaître que parfois c'est gustativement intéressant. Mais il faut aussi remettre les choses dans leur contexte et à la place qu'elles méritent.
Acheter de l'eau infusée/aromatisée au même prix qu'un blended scotch 12 ans, ça ne suit aucune logique. Je suis allé personnellement visiter quelques distilleries d'Ecosse et j'ai vu le travail et le capital engagés pour pouvoir sortir une bouteille d'un blend 12 ans et la vendre 30eu. Le même gain mais pas le même travail.
Alors oui moi aussi, comme d'Adil Rami, j'ai envie de soulever la même coupe que mes copains sans lever mon cul du banc mais là je trouve que ça frôle l'irrespect.
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La plus belle action de Rami en 2018 |
On a souvent tendance à l'oublier, mais ce qui est couteux dans la production des spiritueux c'est le stockage.
Lorsque vous produisez un whisky tel qu'un Chivas 12 ans par exemple vous devez:
Lorsque vous produisez un spirit free drink, si l'on en croit ce qui est évoqué sur les sites, vous devez:
D'un coté nous avons 12 ans et un investissement colossal, de l'autre 1 journée et, il faut l'admettre un investissement non négligeable, et pourtant les 2 bouteilles sont vendues au même prix.
Encore une fois, je comprends que ces produits existent, mais je ne comprends pas qu'on me les propose à un prix supérieur à 10/15eu les 70cl. Et si vous me dites que c'est le prix des botaniques qui fait monter les enchères aussi haut, je vous réponds que votre plan d'investissement n'est pas bon.
Lorsque vous produisez un whisky tel qu'un Chivas 12 ans par exemple vous devez:
- Cultiver l'orge
- Réaliser un maltage
- Réaliser la fermentation
- Distiller
- Acheter des fûts ou les produire
- Faire vieillir le jus
- Faire un blend dans une cuve de mariage
- Embouteiller
- Exporter
Lorsque vous produisez un spirit free drink, si l'on en croit ce qui est évoqué sur les sites, vous devez:
- Récuperer de l'alcool neutre ou de l'eau pure
- Faire une macération de botaniques ou une redistillation
- Embouteiller
- Exporter
D'un coté nous avons 12 ans et un investissement colossal, de l'autre 1 journée et, il faut l'admettre un investissement non négligeable, et pourtant les 2 bouteilles sont vendues au même prix.
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C'est tout ce que j'ai à dire |
Encore une fois, je comprends que ces produits existent, mais je ne comprends pas qu'on me les propose à un prix supérieur à 10/15eu les 70cl. Et si vous me dites que c'est le prix des botaniques qui fait monter les enchères aussi haut, je vous réponds que votre plan d'investissement n'est pas bon.
J'écris cet article avec une légère amertume au bout des doigts parce qu'une entreprise c'est un risque qu'il faut respecter. A n'en pas douter le domaine du spirit free drink a créé de l'emploi, produit des richesses et tourné le projecteur encore un peu plus sur le monde du cocktail. Il convient de rendre à Cesar ce qui appartient à Cesar. Et même si je n'approuve pas la politique de prix, il serait malhonnête de ma part de ne pas reconnaitre les quelques bienfaits de cette industrie naissante.
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"Si tu reviens à 15 euro j'annule tout" |
En tout cas c'est une bonne chose de commencer l'année et sachant que si vous faites tomber un bâton de cannelle dans votre bouteille de Cristalline, elle vaut désormais 30 euro.
Cette plume et cette dérision. Au top ! Et tellement d'accord sur le sujet avec toi ����
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