Les clients are they really des connards ?

Tel le dernier glaçon au fond du shaker, la patience du Bartender fond inexorablement au fil des années. Comme dans une relation amoureuse, le temps à fait son affaire et la passion aveuglante a laissé sa place à une réalité bien trop crue pour que continuions de la rêver. Mais est ce vraiment la faute de l’autre ? Le client est-il vraiment devenu autre chose ? Ne sommes nous pas nous-mêmes devenus autre chose? Nous nous sommes lancés dans le bartending fort de l’espoir que « rencontrer l’autre nous enrichit » et aujourd’hui on ne peut plus le voir. Nous sommes la génération de ceux à qui l’on dit « l’amour dure 3 ans" et qui répond dans un soupir de soulagement: « plus que 2 mois à tenir »


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Le client n’est plus ce qu’il était


Il n'est plus ce qu'il était parce que la société dans son ensemble n'est plus ce qu'elle était. Avec la démocratisation d'internet sont arrivés la possibilité de communiquer avec le plus grand nombre et la libération de la parole. Deux éléments qui, contre toutes attentes, ne vont pas bien ensemble puisque la bêtise, voyage plus vite que la pertinence. Conséquences inévitables: chacun peut laisser se déverser un torrent de haine publique qui sera anonymement assumé au contraire des cibles qui sont elles, très (trop?) souvent nommées. De ce fait le premier hater ou troll qui passe peut noter et commenter des établissements qu'il ne connait pas et ainsi avoir une influence sur le pauvre quidam qui met toute son énergie dans son business. 




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Les gars sont comme ça depuis 10 minutes au comptoir et se plaignent sur internet que personne ne soit venu prendre leur commande


La notation

Vous vous souvenez quand on était en primaire, on voyait les adultes noter les autres enfants et les faire sentir honteux ou inférieurs. On se disait du haut de nos 9 ans, « J’ai hâte être grand et de plus avoir de contrôles ni de bulletin de notes ». Et bien pendant ce temps la société prenait son élan pour vous envoyer un gros "CHEH !" dans la gueule en créant un système de notation pour presque tout. 
Noter les bars, les resto, les chauffeurs, les appartements, les hôtels, les magasins, les fringues, les transports, les musées, les parcs… Alors on va me dire « oui mais c’est pour éviter les arnaques et pour faire progresser les commerces ». 
Je me demande bien qui aujourd'hui peut avoir la prétention de croire qu’il est tellement expert en tout qu’il est légitime dans sa notation à outrance et pluridisciplinaire.

Et j'ai déjà compté jusqu'à l'infini... Deux fois !

Cas type du type typique:

C’est son anniversaire et le type débarque. Il est guichetier dans une banque et il va dans un bar à cocktails et à la sortie il ouvre google et écrit « cocktails moyens ». Il a passé un bon moment, le bartender était agréable et il a payé son drink 11euro et il vient crier son jugement du travail d’un autre sur la place publique. Il note les cocktails alors qu’il n’y connaît rien, il est persuadé qu’un Penicillin c’est un signe astrologique et que Gimlet ça veut dire Omelette en anglais. Il aurait largement pu dire au bartender "Excusez moi, c'est un peu trop amère pour moi, vous voulez bien me faire autre chose ?". 95% du temps le bartender lui fera un autre drink avec plaisir et les 5% restant il lui fera en faisant la gueule. Mais non, il a préféré attendre de sortir pour ne pas avoir à se confronter à un humain, et il a craché sa déception aux yeux de tous sans laisser une chance au barman de lui prouver qu'il avait de l'estime pour la satisfaction client.

Ce mozeur fockeur qui harangue la foule 

Après ça notre banquier va dans un restaurant étoilé parce que c’est toujours son anniversaire. Et il va dire d'un chef étoilé « mouai ». Un simple "mouai" assorti de 2 étoiles sur 5 alors que si t’ouvrais le placard de sa petite kitchenette tu te demanderais s’il est pas sponsorisé par Bonduelle
Il continue avec une petite nuit à l’hôtel en amoureux dans un 5 étoiles chic parce que bon... c’est toujours son anniversaire. Au petit matin, tout s’est a priori, bien passé mais il met quand même 3 étoiles sur 5 et un commentaire assassin parce qu’il a trouvé un cheveu (et c'est un des siens) sur le dessus de lit. Ce même type a une dizaine de gouttes d’urine séchées depuis 3 semaines sur la lunette de ses chiottes, mais par contre un cheveu sur le lit il ne le tolère pas.

Tout le monde lui chante "Joyeux anniversaire" et il note ses critiques

Alors quoi ? Il suffit de quelques saisons de Top chef pour transformer une société d’ignares en pays d’experts ? Soudain tout le monde est devenu incollable en gastronomie et en hotellerie même si personne est foutu de cuisiner une blanquette de veau ni de faire son propre lit. 
Et puis attention hein! A midi il paye 15 euro en ticket resto son entrée + plat par contre il veut un service aux petits oignons ! Gants blancs, service à la cloche et trolley à desserts. Tout ça dans un établissement de 40 couverts maximum où le patron à 4000 euro de loyer en plus de son crédit et ses charges. 
Alors bien entendu la situation financière du proprio n’est pas le problème du client, mais il faudrait quand même qu’on prenne tous conscience de L’EXTREME VIOLENCE qui incombe à l'acte qui consiste à mettre 1 étoile sur 5 agrémenté d’un commentaire « Resto à chier » à un type qui se demande chaque jour s’il va tenir jusqu’au lendemain. 

Tu lui demandes si tout s'est bien passé, il te répond "oui oui" et des qu'il rentre il est comme ça


La responsabilité du Bartender

Et du commerçant en général. Parce que si je dépeins le portrait du pire client, il va sans dire que tous ne sont pas comme ça, bien au contraire et bien heureusement. Mais dans une salle qui apprécie son plat en silence, on n’entend que celui qui fait tomber sa cuillère. Il faut reconnaître que parfois, c’est justifié. Parfois c’est tellement nul, tellement infect que c’en est une insulte.
Et je ne peux que comprendre le désarroi d’un client qui fait un sacrifice financier en se payant un cocktail à 15euro dans un bar réputé et un restaurant d’un chef estimé pour finalement se rendre compte que c’était gustativement décevant et qu’il a été servi au lance pierre.
C’est vrai les loyers sont chers, c’est vrai qu’ouvrir un commerce quel qu’il soit c’est un énorme engagement financier et humain. Mais encore une fois, ça n’est pas le problème du client. Lui il veut (et il mérite) passer un bon moment et consommer de la qualité. Un cocktail à 20 balles avec du Havana 3, du citron, une petite liqueur et un sirop industriel discrètement transvasé dans une pipette… le tout pour un résultat juste correct et vendu coef 15... C’est une insulte pure et simple à la clientèle. Et puis 20 euro ?! Certains bars proposent une carte tellement chère... On veut la carte des drinks, pas l'excel du dernier recrutement du PSG.

Tranquille à boire un Edinson Calvados

Les temps changent et les gens tanguent


Le client n’est certes plus ce qu’il était lorsque l’on a commencé à travailler, mais nous non plus. Et parfois, peut-être dû à une certaine lassitude, nous oublions de le remettre au centre de notre réflexion. Souvent nous accordons énormément d’importance à la reconnaissance de nos pairs. Et c’est à juste titre puisque ces derniers sont garants du savoir qui nous motive chaque jour. Mais à force d’être entre bartenders, de se regarder et de s’auto-congratuler on constate ça et là, qu’à la manière d’un couple de longue date, on oublie que tout ceci existe grâce à l'autre.
Les clients ne sont pas des connards (sauf trois ou quatre), les bartenders n'en sont pas non plus (sauf un ou deux). Mais chacun dans son comportement, notamment sur internet, doit à un moment avoir une pensée pour l'autre, le considérer. Nous continuerons alors d'avancer ensemble, forts de l'idée qu'à l'image d'un cocktail: se mélanger nous rend meilleurs. 



lefrenchcocktail


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