Nos cocktails are they really bons ?

Un soir je propose à mon frère d'aller boire un verre. Étant dans un monde totalement différent de celui du bar il n'a aucune connaissance concernant les spiritueux ou le merveilleux art du cocktail. Je l'ai emmené dans un de mes bars préférés, je lui expliquais les techniques et les spiritueux qui composaient son verre à mesure qu'il goûtait et il a apprécié. Quelques mois plus tard il décide d'y retourner avec sa promise et commande sur la nouvelle carte. Déception le cocktail est imbuvable selon lui, on lui change, encore pire. 
"Kev je te jure c'était pas possible" furent ses mots (car oui, j'ai la malchance de porter le prénom Kevin) 
Il ne connaît rien aux cocktails, rien aux spiritueux, rien à l'industrie... Autant dire qu'il est le palais le plus honnête possible car c'est son ignorance qui est le garant de son intégrité. Je suis allé goûter pour me faire un réel avis et ça m'a frappé, je buvais un drink de bartender. Le drink fait par un bartender pour un autre bartender. 


science
Les bartenders quand ils mettent le rota vapor en marche

Est ce que c'est bon ?


Depuis que je travaille dans le bar et encore plus depuis que je me suis spécialisé dans le cocktail et ses techniques je me rends compte que rares sont les fois où je goûte quelque chose et où je me dis "c'est pas bon". En réalité je ne me demande jamais si j'aime ou pas telle ou telle saveur, je me demande toujours si elle est "intéressante". Et si nous sommes honnêtes, c'est grâce à cet état d'esprit que le Matcha a eu son moment de gloire. Franchement qui d'autre qu'un curieux irait utiliser un vieux mix d'épinards en poudre dans ses cocktails ? 
Me demander si c'est intéressant avant de savoir si c'est bon, est une pratique merveilleuse dans le sens ou je garde l'esprit constamment ouvert. Exit le jugement et bonjour l'analyse. C'est la philosophie parfaite pour celui ou celle qui veut se constituer une base de données analytiques. 
Mais garder une part de jugement critique c'est important, d'autant plus lorsqu'on travaille dans un métier du goût. J'ai de la chance j'ai pu transféré cette partie à mes copains et collègues qui eux ne travaillent pas dans le bar ou la gastronomie. Je peux donc faire des essais, des drinks et des potions et les soumettre au jugement d'un petit panel choisi avant de les révéler au grand publique. 

Bar spoon
Cette bar spoon est faite avec les cendres de tout ceux qui m'ont dit "On se check asap"

Le goût c'est tout ce qui compte


Un rhum 55 degrés placé dans un Rota-vap avec des pickles de cornichons, un sirop de feuille d'huître et un jus de kalamansi infusé au shiso avec du bitter champignon. Non merci ! Si j'avais voulu payer 14 euro la déception je serais allé voir le dernier film de Kev Adams au cinéma.
Il y a en réalité plusieurs problèmes:
  • La carte est trop technique: "Sortie de Batch kettle fatwashed Au butterfly pea tea fumé" ça ne parle à personne. C'est tellement technique que même Google affiche un message d'erreur quand on tape la description.
  • Le rituel de service est incomprehensible: Et vas y que je te fume le verre au smoky gun et puis je shake, je fais un cuban roll et puis je sers mais je pose le verre dans un coffre qui contient un éco-systeme qui repose sur un mix d'absinthe et d'azote liquide et que je vais faire fumer en versant une eau contenant les mêmes arômes que le parfum Shalimar avec en garnish supplémentaire une passion vidée puis remplie d'overproof et enflammée sur laquelle je jette de la cannelle en poudre. Le type tu lui sers son verre il sait même pas s'il faut boire la passion pleine d'overproof, le verre, ou directement l'azote liquide. 
  • Le goût: C'est le plus important et il est indescriptible, le client n'arrive pas à savoir s'il boit du salé ou du sucré, son cocktail à pris tellement de temps à être servi qu'il est tiède et j'espère pour toi que c'était sans gluten parce qu'il est allergique. 

Sois proche de tes clients


Tout ça témoigne d'une distance entre le bartender et le client. Une distance entre le désir créatif et les attentes du consommateurs. Mais ne nous y trompons pas, c'est bien lui qui a le dernier mot. C'est le client qui fait la réputation d'un bar, c'est lui qui fait le chiffre d'affaire, c'est lui qui assure la longévité d'un lieu. Si le client n'est pas satisfait, il ne revient pas et s'il ne revient il ira dépenser son budget cocktail ailleurs. 
Et pourtant quand t'as fait goûter à tes copains en after work, tout le monde a trouvé ça cool et on t'a même demandé ta technique. Seulement voilà, "cool" et "intéressant", ça n'est pas forcément "bon". Mais c'est ça le problème. Tes copains sont tous bartenders et chacun d'entre vous s'amuse à clarifier tout et n'importe quoi, à fatwasher tous les spi, à tester le rota-vap du chanceux qui en a un. Mais le client ? C'est lui qu'il faut séduire, lui qui faut contenter. D'où l'intérêt des semaines test pour les nouvelles cartes. Alors bien entendu beaucoup de bartenders le font, et bien entendu c'est un problème qui est loin d'être généralisé, néanmoins cette expérience qu'a vécu mon frère dans un de mes bars préférés est un problème qui n'est pas isolé. 
Se recentrer, remettre le client au coeur de la problématique, c'est une évidence. 
Mais on le sait tous, ce qui va sans dire va encore mieux en le disant. 


2 commentaires:

  1. Clairement ca reflète très bien le monde actuel de la mixo. Tout est beau sur papier, tout claque en photos et videos...et quand tu es face au bartender et au drink... tu te fais chier. Bon papier.

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  2. Je suis assez d'accord : beaucoup trop de bartenders aujourd'hui passent leur temps à chercher des concepts et se la péter, et oublient complètement le principal : faire quelque chose de bon. Assez fatiguant sur Paris de devoir demander des classiques pour etre sur d'avoir quelque chose de bon

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