Le bar, is it pour les cancres ?

Mes dernières semaines ont été riches en déplacements en France et en Europe. Entre les salons, les conventions, les master classes etc... J'ai passé plus de temps dans un train ou un avion que dans mon propre lit. Après avoir lu So foot, Society et le Capital de Karl Marx, il m'a fallu trouver une nouvelle distraction à mon esprit, pour lui éviter de repenser à la fois où j'avais écrit une lettre d'amour à Magalie en 5eme et que c'est Noémie qui l'a trouvé et lu devant tout le monde. 
C'est alors que je découvris avec bonheur Ken Robinson. Et chacune de ses paroles, chacun de ses écrits, mettait des mots sur mes convictions. Jusqu'à cette épiphanie où, grâce à lui, ma condition de bartender revêtit une robe encore plus belle à mes yeux.

Autoportrait
Auto portrait by Billy Weird


Le système éducatif actuel est autophage 


Lors d'une conférence sur l'éducation, Ken Robinson fait mention de points importants. 

Il fait tout d'abord remarquer que les enfants sont la quintessence de la créativité. En effet il n'est pas d'enfant qui ne soit pas débordant d'imagination, curieux, avide de comprendre, de savoir, d'explorer. Pourtant, comme nous le fait remarquer Ken, la créativité ne jouit pas de la même estime que les mathématiques par notre système éducatif. Ce dernier a plutôt tendance à reléguer les arts au rang de matières secondaires, par opposition aux matières principales que constituent les mathématiques, les sciences, la grammaire... Je n'ai pas souvenir que les arts plastiques aient eu une importance égale aux mathématiques aux yeux du corps professoral, aux yeux de mes parents, ni même aux miens. Ken Robinson met aussi en lumière que non contente de hiérarchiser les matières en la défaveur des arts, l'école étouffe la création artistique et son exposition. Comment ? Via une méthodologie et un système de notation qui implémente la honte d'avoir tort dans l'esprit encore malléable de ses sujets. C'est ce levier maléfique qui fait s'amenuiser la créativité inhérente à la jeunesse. C'est un véritable cercle vicieux qui s'installe lorsque le système supposé stimuler votre curiosité vous enferme dans un schéma si profondément tracé qu'il ne vous permet pas de regarder sur les cotés du chemin arpenté. 

Norman Rockwell by Billy Weird

Un diplôme sinon rien 


Le système actuel ne jure que par le diplôme, et a trop souvent tendance à reléguer les métiers de la main aux basses besognes. J’ai moi même longtemps cru que la restauration était pour les cancres. 

Mais pourquoi notre école idolâtre tant le sacro saint Diplôme ? Parce qu’au moment de sa mise en place, ce système éducatif répondait à l’émergence des usines et à la révolution industrielle du 19eme siècle. Si les ouvriers n’avaient pas besoin d’autre chose que de force de travail, Les diplômés eux répondaient à l’appel d’un marché en pleine expansion et nécessitant des dirigeants ayant une vision économique, philosophique, juridique etc… dans le but de se conformer aux enjeux politico-économiques à venir. 

De ce fait chaque diplômé était embauché et largement valorisé sur le marché, et l’accès à ce diplôme était bien moins facilité qu’il ne l’est aujourd’hui. 

Selon L’unesco durant la période allant de 1990 à 2030 il y aura plus d’étudiants diplômés que dans toutes l’histoire auparavant. 

L'effet pervers de cette donnée est que si tout le monde a un diplôme, la valeur de ce dernier est dépréciée sur le marché. Le diplôme devient donc de plus en plus obsolète et reflète de moins en moins la valeur de celui qui le revendique. C’est ce que l’on pourrait appeler l’inflation académique



Valoriser les matières autres que les empiriques. 


Si l'on a pas la chance de faire une activité extra scolaire comme la musique, la peinture, la sculpture etc… nous perdons ce désir de créer avec nos mains, et cette triste conséquence est catalysée par les programmes d'éducation actuels. J'ai recensé 3 types de réaction que j'ai tenté de définir ci-dessous:

  • Pour certains c’est un mal pour un bien. En effet, beaucoup d’entre nous trouvent leurs épanouissements dans l’apprentissage de matières pus empiriques comme les mathématiques ou les sciences. 
  • Pour d’autres, c’est une fatalité. Ils l’acceptent et tentent tant bien que mal, et parfois même avec succès, d’intégrer le système éducatif préconisé et dispensé. 
  • Pour les derniers enfin, cela génère de la frustration. Une frustration qui n’est pas toujours apaisée même lorsque le jeune-être se dirige vers un domaine manuel parce que le-dit domaine n’est pas toujours valorisé par la société. 

J’ai moi même tardé à entrer dans le monde de l’artisanat, mes notes au lycée étaient a priori "trop bonnes pour me limiter à la restauration". Après 2 années de médecine, une licence en communication, un master en production audiovisuelle, j’ai travaillé en Agence de pub, puis à mon compte. Ma vie avançait mais je sentais que le petit boulot de barman que j’avais pris pour financer mes études m’avait apporté quelque chose que je ne parvenais pas à retrouver dans les professions que m’offraient les cursus supérieurs. Je ne me sentais pas accompli. Et je savais que c'était parce que j’avais refoulé mon potentiel créatif. 

Que ce soit à travers l’école, les retours clients en agence de pub, les conventions sociales, les préjugés sociétales concernant les diplômes… Tout m’avait insidieusement étouffé et je ne trouvais d’air frais que dans l’acte de création pur qu’offrait le vecteur du bar. J’ai pourtant bien géré le système éducatif, je fais parti de la 2eme catégorie mentionnée plus haut, celle pour qui le système est une fatalité et qui s’est plutôt bien adaptée. 

Mon frère Billy, est quant à lui un puits sans fond de créativité et d'imagination. Une simple anecdote sur un sujet des plus banals devient une exaltante épopée lorsqu’il vous la raconte. Il fait partie de la 3ème catégorie, celle pour qui le système en place a généré de la frustration. Et c’est en dehors de ce système qu’il s’est épanoui, c’est la vie derrière les murs de l'école qui lui a permis de s’accomplir en tant qu’homme. Pour autant, tout le monde n’a pas la chance de pouvoir s’exprimer, se libérer dans des activités extra-scolaires. 

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Many Faced God II by Billy Weird

L’importance d’une révision de notre système éducatif 

Tout d'abord d'un point de vue économique. Parce qu’un système éducatif inefficace mène à un chômage de masse et que ce chômage n’arrange personne, ni l’état, ni les citoyens, ni les retraités, ni les actifs… La refonte de ce système doit viser à optimiser la place que chacun peut occuper et répondre à cette problématique: 
Comment éduquer nos enfants afin qu’ils prennent leurs places dans les économies du 21eme siècle ? 

La seconde est culturelle
Comment éduquer nos enfants afin qu’ils aient une notion d’appartenance, d’intégration à la société, une notion d’identité culturelle. 
Je n'ai évidement pas la réponse, mais je m'inquiète du paradoxe actuel qui consiste à guider un enfant vers son futur avec des techniques du passé. Que ce soit bien clair, je ne réfute pas l'importance des matières empiriques et j'ai bien conscience que le monde ne peut pas être habité que par des musiciens et par aucun médecin. Il ne s'agit pas ici d'avoir une vision utopique de la société. Mais l'état économique actuel, le taux de chômage, la décentralisation etc... sont autant d'indicateurs qui pointent vers les défaillances et l'obsolescence de notre école. Je m'étonne chaque jour de voir le nombre de bars, de restaurants qui cherchent des chefs, des apprentis, des seconds etc... Lorsque j'étais en agence de publicité il était bien plus difficile de trouver une place et lorsqu'enfin on obtenait un poste en CDD on devait se contenter de salaires misérables "parce qu'on était déjà chanceux d'avoir un job".
Je vous laisse avec le passionnant Ken Robinson dans sa première intervention pour Ted


Toutes les illustrations de cet article ont été réalisées par Billy Weird




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