Des vrais rhums et des faux rhums ?

Le débat surgit de plus en plus. Y a t-il des faux rhums ? Qu’est ce qu’un vrai rhum ? Pourquoi certains rhums valent-ils mieux que d’autres ? Qu’est ce qui pousse une partie des amateurs à se soulever contre le succès de quelques spiritueux ? 

Rhum agricole riviere du mat

Pour répondre à ces questions établissons quelques balises qui nous serviront de repères pour mieux comprendre le sujet. Lets get ready to RHUM-BLE

lets get ready to rumble


Le Rhum en très bref


Le rhum est un spiritueux issu de la distillation d’extrait de canne à sucre fermenté. Sa provenance vient principalement des Antilles, d’Amérique centrale et d’Amérique du sud. Après distillation le rhum va subir un processus de vieillissement en fût, généralement des fûts de chêne. 

Il est difficile de dater l’apparition de la première bouteille, mais on peut dire que lorsque Christophe Colomb a rapporté la première canne à sucre en 1493, l’Europe a cherché à en faire de l’alcool.  

Si à ses débuts le rhum était plus un vin de canne à sucre, rapidement on distilla ce vin pour obtenir le précieux élixir qui me vaut cet article. 

Le brésil a lui aussi découvert la canne à la suite de la venue de colonisateurs. Mais le pays du foot en a fait de la cachaça. 

Ça c’est pour les bases, rentrons dans le dur ! 



Rhum, rum, ron 


3 termes qui évoquent le même spiritueux ? Pas tout à fait ! Cette orthographe différente nous indique en réalité sur la provenance et la matière première utilisée pour la production de votre alcool préféré. 

La nomenclature s’établie comme suit: 

  • Rhum: Les spiritueux agricoles, produits dans les Antilles comme le Trois Rivières 
  • Rum: Les spiritueux de tradition anglaise comme l’Angostura 
  • Ron: Les spiritueux de tradition hispanique comme Diplomatico 

Mais la provenance n’est pas la seule condition à l’appellation: 

  • Les rhums sont faits à partir de Jus de canne 
  • Les rum sont faits à partir de Mélasse 
  • Les ron sont faits à partir de Mélasse et/ou de Miel de canne 


Jus, mélasse, miel 


Mais pourquoi tous les pays n’utilisent pas la même base ? 

/Parce que la naissance du rhum remontant à plusieurs siècles, rien ne permettait à ces pays de s’accorder sur une méthode commune
/Parce que le climat et les conditions inhérentes à chaque territoire impliquent de prendre certaines dispositions: 

Au Venezuela par exemple, les caractéristiques géographiques, géologiques et météorologiques donnent un pays jouissant de seulement 2 saisons: 6 mois de soleil et de chaleur intense, 6 mois de pluie et de chaleur intense. Ajoutez à cela un relief alternant entre montagnes et plaines, un taux d’humidité approchant les 80%. 
A 80% d’humidité il était impossible au 16eme siècle pour les producteurs locaux de conserver du jus de canne à sucre sans que ce dernier ne pourrisse. Les fermiers décidèrent donc d’augmenter la concentration en sucre en faisant s’évaporer l’eau, c’est à dire de procéder à une réduction pour faire croître la durée de conservation. Ce jus de canne réduit n’est autre que la Mélasse


A ce stade, la mélasse contient diverses impuretés comme des fibres de canne, de la terre, de la poussière etc… Elle va donc passer dans une centrifugeuse et la force de cette dernière va plaquer les impuretés à ses parois et laisser couler au centre la mélasse purifiée. Si la centrifugeuse tourne 1 fois, ce qui coule vers le centre est la Mélasse. Si l’on fait tourner cette centrifugeuse plus de 3 fois, les impuretés se retrouvent collées aux parois mais aussi une partie de cristaux de sucre, laissant couler au centre le Miel de canne à sucre
Autrement dit la mélasse est plus concentrée en sucre que le Miel, lui même plus concentré en sucre que le Jus de canne. 
mindblow
"nan mais tu rends compte ! "

Le nerf de la guerre 

Ces 3 matières premières vont donc donner 3 types de rhums et chaque rhum aura un profil particulier. A ce profil aromatique s’ajoute la possibilité que le producteur décide de faire un blend ou un brut de fut. C’est à dire que le producteur peut choisir de rester sur un seul jus de A à Z ou d’assembler plusieurs jus pour créer un profil aromatique spécifique. 

Mais alors c’est quoi le problème ? 

Le problème serait que certains producteurs vont modifier leurs produits via un ajout que d'autres considèrent comme artificiel. Parfois il s’agit de caramel pour uniformiser la couleur d’une gamme. Parfois il s’agit de liqueur de rhum pour augmenter la douceur du produit. En réalité tout ceci n’est pas du tout problématique, le producteur cherche simplement à produire un rhum dont il est fier, qu’il souhaite présenter au reste du monde et qui, s'il est bon, aura un potentiel commercial (on n'investit pas dans le vieillissement de milliers de litres de rhum pendant 12 ans pour ne pas les vendre). 

Pourtant on entend crier « C’est pas naturel, c’est de la modification de produit à des fins marketing ! » 
Si vous souhaitez un produit naturel, je vous le dis de but en blanc, l’alcool n’est pas pour vous ! 
Allez manger une tomate dans un champ rempli de Vegan, croquez des fruits fermentés dans une ferme de hippies sans gluten, là vous aurez du naturel. Mais ne venez pas nous sermonner avec « le nature » quand on sait que pour produire un rhum il faut créer des souches de levures, des tonnes de machineries pour la distillation, des dizaines et des dizaines de manipulations, la surveillance et l’agissement d’humain 24h/24. Produire un alcool quelqu’il soit n’a rien de naturel

Certains producteurs ajoutent des arômes artificiels ! 

C’est vrai, certains producteurs rectifient le goût de leurs rhums grâce à de l’ajout d’arômes artificiels comme la vanilline. Certains le revendiquent, certains portent une mention autre que rhum sur leurs bouteilles (on voit parfois la mention Spirit drink), d’autres ne précisent rien. S’il y a un problème dans cet état de fait, c’est celui de la transparence

Qu’il y ait de la vanilline dans un rhum ça n’a rien de grave (à petite dose hein, mais si vous souhaitez boire quelque chose bon pour la santé, buvez de l'eau), mais un consommateur doit être capable de détecter ce qu’il boit. C’est là qu’il faut du changement et c’est cette cause qu’il faut défendre

Guide pour le consommateur 

Comment se repérer lorsque l’on est un consommateur ? Premièrement sachez que boire un rhum dont les arômes ont été rectifiés via des procédés validés par l'Union Européenne ne rend pas votre breuvage plus nocif qu’il ne l’est déjà. L’important c’est que vous preniez du plaisir à déguster votre rhum. 

Il est possible grâce à certains éléments d’avoir un idée plus précise sur la « pureté » d’un Rhum. Si vous pouvez lire les mentions suivantes sur la contre étiquette ou l'étiquette, vous savez que le rhum n’a pas d’arômes de synthèse (à ne pas confondre avec la sucrosité du produit): 

Le vrai rhum c’est l’agricole ? 


Non ! Tout comme le rhum de tradition hispanique n’est pas la référence. Les rhums agricoles, ont véritablement fait leur apparition après la crise du sucre au 19eme siècle. L’industrie sucrière était en perte de vitesse, on décidait alors d’écouler les stocks en distillant le précieux jus de Canne. Mais qu’on se le dise, le cycle de vie du rhum n’a pas attendu le 19eme siècle pour exister, il est arrivé bien avant dans beaucoup d’endroits du monde. 
Il est, à mon sens, aussi ridicule d’établir une échelle de valeur entre les producteurs d’agricoles et les producteurs de rhum de tradition hispanique ou anglaise; que d’établir une échelle de valeur entre un cuisinier Italien, Espagnol et Français. Dans les 3 cas c’est de la cuisine, pour autant chacun a son style, ses ingrédients et fait en fonction de ce que ses terres lui donnent et de ce que ses clients attendent. 
Le bar et la consommation de vins et spiritueux a, depuis toujours, été un moment de partage. En amoureux de cette industrie, je ne comprends pas que l’on s’astreigne à séparer les amateurs de rhum en plusieurs petites communautés. Le monde entier regorge littéralement de sujets et de causes pour lesquels les gens se battent, se détestent. Il y a bien assez de raisons de se foutre sur la gueule pour ne pas séparer les amateurs de rhums en sous catégories. 

Et puis entre nous, si on doit en détester certains, est ce que ça devrait pas plutôt être ces enfoirés de buveurs de Vodka ?

cocktail powder
Clap de fin pour cet article qui m'a pris des heures à écrire !




9 commentaires:

  1. Top pour un 1er article!!! Le début éducatif est clair, net, précis! #coeuraveclesdoigts

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    1. Merci Ben ! C'est un site vraiment dédié à la formation, ça me touche beaucoup que ca te parle !

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  2. Super article, pointu et didactique !

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    1. Merci beaucoup ! Il est impossible d'entrer à fond dans les détails, c'est un sujet très vaste qui nécessite un livre entier, mais j'ai essayé de synthétisé l'essentiel ! je suis vraiment ravi que ça te plaise !

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  3. C'est plutôt rare de voir un article qui explique aussi bien la provenance et la fabrication tout en restant simple et abordable, chapeau

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  4. Merci pour expliquer clairement la différence traditionnel/agricole !

    Et merci aussi de rappeler que le plus dangereux dans le rhum, c'est les 40% d'éthanol, pas les microgrammes de je ne sais quoi.

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  5. Très bon article simple claire et très instructif merci

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  6. Article intéressant mais le problème selon moi ne réside pas dans le fait d'avoir un produit naturel ou non, mais le plus simple possible sorti de l'alambic. Comme le sont les rhums agricoles ou les whisky écossais ou encore le cognac. L'affinage se faisant simplement avec les barriques et le temps rien d'autre, la vanilline se trouvant naturellement dans le bois de chêne elle est absolument inoffensive.

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  7. Le Botran 15 malgré son DOP contiendrait de la vanilline à quantité à peu près égale à celle d’un Diplomatico.
    Le DOP a du coup bon dos.

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